Rapport annuel du Secrétaire général sur le sort des enfants  en temps de conflit armé

Additif

New York – Dans son rapport annuel sur le sort des enfants en temps de conflit armé pendant l’année 2015, le Secrétaire général s’est déclaré choqué par l’ampleur des violations graves commises contre des enfants dans des pays tels que l’Afghanistan, l’Iraq, la Somalie, le Soudan du Sud, la Syrie et le Yémen.

Les nouvelles situations de crise ou celles qui se sont aggravées ont eu de terribles conséquences sur les filles et les garçons. Au Yémen, la situation est particulièrement inquiétante, le nombre d’enfants recrutés ayant été multiplié par cinq et celui d’enfants tués ou mutilés par six depuis 2014. Les exactions commises par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) ont comme précédemment eu des effets dévastateurs sur les enfants, ceux-ci continuant d’être recrutés et utilisés et des garçons étant mis en avant sur les réseaux sociaux comme enfants soldats, et dans certains cas comme bourreaux. Au Nigéria, Boko Haram a perpétré un plus grand nombre d’attentats-suicides, notamment en utilisant 21 filles comme kamikazes dans des lieux publics très fréquentés. Ce groupe armé étend ses activités du nord-est du Nigéria aux pays voisins, faisant un nombre important de victimes parmi les civils et causant des déplacements massifs de population.

« Dans plusieurs conflits, les opérations aériennes ont contribué à créer une situation complexe dans laquelle de nombreux enfants ont été tués ou mutilés. Des groupes et milices armés alliés à des États sont également de plus en plus souvent mobilisés à l’appui des forces gouvernementales lors de combats, en recrutant et en utilisant dans certains cas des enfants », explique Leila Zerrougui, Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU pour le sort des enfants en temps de conflit armé.

En Syrie, des milliers d’enfants ont été tués pendant plus de cinq années de guerre. En Afghanistan, le nombre de décès et d’atteintes à l’intégrité physique d’enfants a atteint un niveau sans précédent depuis que l’ONU a commencé à comptabiliser systématiquement les victimes civiles en 2009. En Somalie, le nombre de violations recensées commises contre des enfants a augmenté de 50 %. Au Soudan du Sud, les enfants ont été victimes d’atroces exactions, notamment lors de violentes offensives militaires menées contre les forces d’opposition.

« Je suis en outre profondément préoccupée par le nombre croissant d’enfants qui ont été privés de leur liberté après avoir été accusés d’association à une partie à un conflit. Je demande aux États Membres de traiter ces enfants avant tout comme des victimes, afin de garantir la pleine protection de leurs droits fondamentaux et de mettre en place d’urgence des mesures de substitution à la détention et aux poursuites judiciaires à l’encontre d’enfants », a déclaré Leila Zerrougui.

Réduire l’impact de l’extrémisme violent sur les enfants

En 2015 comme précédemment, les enfants ont été fortement touchés par l’extrémisme violent et ont trop souvent été la cible directe d’actes qui visaient à faire le maximum de victimes civiles et à terroriser la population locale. En outre, certaines interventions menées contre des groupes armés extrémistes et violents ont créé de nouveaux problèmes en matière de protection des enfants.

Dans son rapport, le Secrétaire général exhorte les États Membres à s’assurer de respecter l’ensemble des dispositions du droit humanitaire international, du droit des droits de l’homme et du droit des réfugiés lorsqu’ils participent à des combats et à des interventions contre toutes les menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité, y compris l’extrémisme violent. Il a ajouté qu’il était inacceptable que le non-respect de ces dispositions ait « abouti à de nombreuses violations des droits des enfants ».

Il est recommandé dans le rapport que lors de leurs interventions, en particulier lorsqu’il s’agit de campagnes de bombardements aériens ou d’opérations au sol, les États Membres prévoient des mesures d’atténuation des risques spécialement conçues pour protéger les enfants. Toutes les parties aux conflits sont également priées de s’abstenir d’utiliser des armes explosives à large champ d’action dans les zones habitées et d’envisager de s’y engager.

Attaques contre des écoles, des hôpitaux et leur personnel protégé

Les attaques contre des écoles ou des hôpitaux ont été fréquentes en 2015 et ont pu être confirmées dans 19 des 20 situations de conflit. Le recours croissant aux frappes aériennes et aux engins explosifs dans des zones peuplées a eu un effet préjudiciable sur les écoles et les hôpitaux. Le personnel médical et éducatif a continué de faire l’objet de menaces ou d’attaques. Dans certaines situations de conflit, les groupes armés s’en sont pris en particulier à l’accès des filles à l’éducation ou ont attaqué des écoles et des enseignants afin d’imposer leur propre programme scolaire.

Enlèvements

Dans sa résolution 2225 adoptée il y a un an, le Conseil de sécurité de l’ONU a prié le Secrétaire général de faire également figurer sur la liste des auteurs de violations graves contre les enfants les parties à un conflit qui se livraient à des enlèvements d’enfants. Boko Haram, l’État islamique d’Iraq et du Levant, l’Armée de résistance du Seigneur et les Chabab sont au nombre des six parties inscrites sur cette liste à ce titre. Les enlèvements d’enfants à grande échelle dont ces groupes se sont rendus coupables ont conduit la communauté internationale à chercher à améliorer ses capacités d’intervention.

Des enfants, pas des soldats

La dynamique créée par la campagne « Des enfants, pas des soldats » a contribué à renforcer le consensus émergent selon lequel les enfants ne doivent pas faire partie des forces de sécurité lors des conflits. En mars 2016, le Soudan, le dernier des pays visés par la campagne, a signé un plan d’action visant à faire cesser et à prévenir le recrutement d’enfants. Tous les gouvernements des pays dans lesquels le Secrétaire général avait établi que des enfants étaient recrutés et utilisés par les forces de sécurité ont maintenant entrepris des plans d’action. Des progrès notables ont été réalisés en Afghanistan, au Myanmar et en République démocratique du Congo. Malgré les engagements pris par leurs gouvernements respectifs, les enfants somaliens, sud-soudanais et yéménites sont en proie à des situations de conflit difficiles.

Dialogue avec les groupes armés non étatiques

En 2015, le dialogue étroit mené avec des groupes armés non étatiques, dans le cadre de processus de paix ou non, a abouti à la libération de plus de 8 000 enfants en Colombie, au Mali, au Myanmar, aux Philippines, en République centrafricaine, au Soudan et au Soudan du Sud.

« L’accord récemment conclu entre le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) visant à libérer tous les enfants associés à ce groupe armé est historique », a déclaré la Représentante spéciale. « La perspective d’un dialogue plus constructif avec des groupes armés non étatiques cette année me semble prometteuse, mais je tiens à rappeler à chacun qu’il est crucial d’affecter des moyens adéquats à la réinsertion de tous les enfants libérés, en accordant une attention particulière à l’appui psychosocial et aux besoins des filles », a-t-elle poursuivi.

Le rapport en chiffres

Vingt situations de conflit et 14 pays dans lesquels des parties à un conflit figurent sur la liste établie

Les pays dans lesquels des parties à un conflit ont été inscrites sur la liste sont les suivants: Afghanistan, Colombie, Iraq, Mali, Myanmar, Nigéria, Philippines, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, République arabe syrienne, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Yémen.

Situations préoccupantes dans lesquelles aucune partie à un conflit ne figure sur la liste : Inde, Israël/État de Palestine, Liban, Libye, Pakistan, Thaïlande

59 parties à un conflit figurent sur la liste établie pour violations graves contre les enfants
8 forces de sécurité gouvernementales
51 groupes armés non étatiques

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a identifié cinq motifs
d’inscription sur la liste

Recrutement et utilisation d’enfants (Résolution 1379 adoptée en 2001, premières inscriptions sur la liste en 2002)
58 parties à un conflit : 7 forces de sécurité gouvernementales, 51 groupes armés non étatiques
Meurtres et atteintes à l’intégrité physique d’enfants (Résolution 1881, adoptée en 2009, premières inscriptions sur la liste en 2010)
19 parties à un conflit : 4 forces de sécurité gouvernementales, 15 groupes armés non étatiques

Viols et autres formes de violence sexuelle (Résolution 1881, adoptée en 2009, premières inscriptions sur la liste en 2010)
14 parties à un conflit : 2 forces de sécurité gouvernementales, 12 groupes armés non étatiques

Attaques contre des écoles ou des hôpitaux (Résolution 1998, adoptée en 2011, premières inscriptions sur la liste en 2012)
10 parties à un conflit : 2 forces de sécurité gouvernementales, 8 groupes armés non étatiques

Premières inscriptions pour enlèvements: (Résolution 2225, adoptée en 2015, premières inscriptions sur la liste en 2016):
6 parties à un conflit : 1 force de sécurité gouvernementale, 5 groupes armés non étatiques

Nouvelles inscriptions

En application des dispositions de la résolution 2225 (2015) du Conseil de sécurité, les Chabab (Somalie), Boko Haram (Nigéria), l’Armée de résistance du Seigneur (République centrafricaine et République démocratique du Congo), l’EIIL (Iraq) et les Taliban (Afghanistan) sont inscrits sur la liste pour enlèvement d’enfants. Ces cinq groupes enlèvent systématiquement des enfants depuis un certain nombre d’années. L’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) (Soudan du Sud) est également inscrite sur la liste en raison des centaines d’enlèvements qui lui ont été attribuées en 2015. D’autres parties y figurent pour avoir commis des violations constituant d’autres motifs d’inscription. En République démocratique du Congo, Raïa Mutomboki est inscrit sur la liste pour recrutement et utilisation d’enfants et actes de violence sexuelle à l’égard d’enfants. Au Nigéria, la Force spéciale mixte civile est inscrite sur la liste pour recrutement et utilisation d’enfants du fait de plus de 50 cas avérés en 2015. Au Soudan du Sud, l’APLS est désormais également inscrite sur la liste pour actes de violence sexuelle à l’égard d’enfants, plus de 100 exactions ayant été attribuées aux forces gouvernementales.